Le partage des données : les nouveaux enjeux pour l’industrie du futur
88% des entreprises industrielles déclarent avoir lancé un projet d’industrie 4.0. Les résultats de ce baromètre viennent appuyer la volonté du Gouvernement d’accélérer la digitalisation de l’industrie en France, qui a lancé un appel à projets pour créer une filière dédiée aux technologies de la logistique et des transports. Quels sont les enjeux de ce partage de la data pour les acteurs industriels ? Au centre de l’industrie 4.0 : la data.
La donnée et son exploitation au centre de la problématique industrielle. Le déploiement de l’IoT (internet des objets) dans l’industrie manufacturière s’appuyant sur un réseau dense de capteurs aux points nodaux des processus de fabrication a permis grâce à l’IA (intelligence artificielle) de repenser en profondeur le pilotage des chaines de fabrication. L’analyse des données (usure, casse, déformation, …etc.) a enrichi les modèles de maintenance prédictive. L’anticipation des arrêts, leur planification autorisent une augmentation des rendements des capacités de production proportionnelle à leur intensité capitalistique. De même le pilotage des installations en temps réel grâce aux données analysées tout au long du processus de fabrication permet désormais de réduire significativement des coûts de non-qualité. La réactivité que permet ce maillage fin est un enjeu crucial pour les industries de process, où les défauts ne sont visibles qu’aux stades intermédiaires ou finaux. IBM Global Services (2) a pu chiffrer dans certains cas une augmentation de 30% des rendements et une baisse de 15% des rebuts.
Au-delà du pilotage en tant réel de l’usine et de son écosystème cette virtualisation du processus dans sa globalité permet désormais une approche profondément différente du manufacturing. Le « lean manufacturing » peut céder la place à une autre forme de mise en interaction, plus décentralisée, plus horizontale car interconnectée. Ces modifications profondes vont en induire d’autres aussi disruptives sur les modes de stockage et de d’analyse de ces « puits » de données. Bande passante et réactivité sont au cœur des enjeux. L’arrivée de la 5G va permettre de repousser encore plus loin cette limite en autorisant le stockage et l’analyse au plus près des émetteurs de données. Ainsi selon Gartner (1) 75% des données seront traitées en 2025 en dehors des data centers traditionnels et du cloud. L’évolution de la supply-chain est particulièrement impactée par ce changement de paradigme. La mise en réseau des données et de leur analyse permet un degré d’intégration extrêmement fort. A l’intégration physique de type vertical peut se substituer un modèle décentralisé physiquement mais totalement connecté. Au modèle français de verticalité impulsé par de grands donneurs d’ordre, l’industrie 4.0 rend totalement pertinent un modèle allemand plus décentralisé et bien maillé (3). La notion d’écosystème peut désormais s’élargir très fortement. Aux relations binaires et silotées entre donneurs d’ordre et sous-traitants qui présentent de nombreux points aveugles peut se substituer désormais une mise en réseau. La logique achat qui s’attachait à ne gérer que le maillon le plus proche (rang 1) et lui déléguer la gestion en cascade du reste de la chaîne de valeur a volé en éclat avec la crise des semi-conducteurs.
La centralité de la data et les nouvelles possibilités de partage de celle-ci ont aussi rebattu les cartes des modes d’échanges entre les acteurs du BtoB sur le segment des achats indirects. Les outils digitaux de type Marketplace développés par les « Tiers de confiance » spécialisés dans les achats indirects (BuyXSell, Manutan, Mercateo) permettent désormais de mettre en réseau les donneurs d’ordre avec un large écosystème qualifié en amont par ces « Tiers de confiance ». La mise en commun d’une « data » qualifiée, vérifiée et négociée pour BuyXSell devient essentielle. « Qu’importe le tuyau pourvu qu’on ait la donnée ». Les relations entre les acteurs du BtoB se trouvent désormais fortement challengées par la mise en commun du bien commun à savoir la data. La commission européenne entend promouvoir un « Data Act » pour définir les règles de partage des données des IoT et induire ainsi une croissance du PIB de 270 Mds d’euros d’ici 2028. Les industriels sont-ils prêts ? La question est posée.